Qu'est-ce qu'on fabrique ?

Un synthèse sur l’éco-conception et ses outils




Éco-conception : n.f. approche méthodique, qui prend en considération les aspects environnementaux du processus de conception et développement dans le but de réduire les impacts environnementaux négatifs tout au long du cycle de vie d’un produit. ISO 14006



En tant qu’approche produit, les méthodes d’éco-conception intègrent des impacts externes à l’entreprise. Elle se distingue ainsi des bilans d’impacts comme les audits énergétiques ou les bilans carbone qui se restreignent généralement au périmètre de l’entreprise.





Dans la vision française du développement durable, portée notamment par l’ADEME, l’éco-conception s’inscrit comme l’un des 7 piliers de l’économie circulaire.

Si dans sa mise en place, l’éco-conception est bien du ressort des acteurs économiques, elle devra, dans une logique « cycle de vie », agir sur l’ensemble des thématiques pour être pertinente.

Les démarches et les outils de l’éco-conception sont très cadrés, néanmoins, définir un objet comme éco-conçu est davantage problématique. Un produit ou un service ne peut être intrinsèquement éco-conçu. Il l’est relativement à un autre, à un instant donné, dans un référentiel d’hypothèses donné. Il est donc à voir davantage comme un produit ayant bénéficié d’une évaluation puis d’une réduction de son impact.


Les outils permettant de pratiquer l’éco-conception

Quantitatif
Quantitatif

ACV
simplifiée multicritère

multicritère
multiphase
• Plus accessible que l'ACV complète
• Peut être intégrée plus en amont dans un cycle de conception
• Très répandu

• Moins précis
• Données non exhaustives

Méthode similaire à l’ACV avec modifications variables selon la méthode ‌: le nombre de critères et d’étapes considérés, le type et la précision des données, la finesse de la modélisation. Le Bilan Produit développé par l’ADEME est un exemple gratuit d’ACV simplifiée.

Approche
monocritère

monocritère
multiphase
• Outil normalisé (eau, carbone)
• Résultats impactants
• Utilisé dans les études d’ensemble de consommation d’un pays.

• Pertinence réduite pour certains produits
• Peut occulter les transferts d’impacts entre critères environnementaux

Analyse sur le cycle de vie en ne considérant ou en se rapportant à un seul critère : carbone (ISO 14064), eau (ISO 14046) et matières. Cet outil permet d’illustrer de manière saisissante certains impact : 10 000L d’eau pour produire un jean, 70kg de matières et 70 métaux différents pour un smartphone d’en moyenne 120g.

ACV
complète

multicritère
multiphase
• Outil normalisé
• Très répandu
• Impose une connaissance du produit

• Exigent en ressources (humaines, temporelles et financières)
• Données non exhaustives

Étude des impacts d’un produit sur l’ensemble de son cycle de vie grâce à une modélisation des différents flux de matière et d’énergie. L’unité fonctionnelle (ex stylo : écrire sur une distance de 90km) permet de comparer plusieurs produits entre eux. L’ACV est uniquement un calculateur d’impact et ne fournit pas de solution ou conseil concernant la reconception du produit.

Qualitatif
Qualitatif

Approche
matricielle

multicritère
multiphase
• Méthodes guidées qui nécessitent peu de connaissances environnmentales
• Peut être intégrée plus en amont dans un cycle de conception
• Peut être réalisé rapidement

• Méthodes génériques et non particularisées
• Peut manquer de précision.

L’évaluation de la solution s'effectue en remplissant des grilles prédéfinies correspondantes à des critères environnementaux et des phases spécifiés. L’examen des différents curseurs permet d’obtenir par des calculs systématiques une appréciation environnementale du produit ou service.

ESQV
Evaluation simplifiée et qualitative du cycle de vie

monocritère
multiphase
• Peut faire office d'introduction à l'éco-conception.
• Permet d'itendifier facilement les étapes défavorables du cycle de vie.
• Peut être intégrée plus en amont dans un cycle de conception.

• L'étude peut rester superficielle.

Etude simplifiée sur l’ensemble du cycle de vie en se focalisant sur un nombre restreint de critères. Ce travail peut permettre d’identifier facilement les points de vigilance du cycle de vie en vue d’une étude approfondie sur les étapes défavorables.

Guidelines

variable
• Ne nécessite aucune connaissance environnmentales préalable
• Peut facilement être pris en main

• Recommandations génériques et non particularisées
• La prise en compte peut-être superficielle
• Ne permet pas d'écarter systématiquement d'éventuels effets rebonds

Listes de bonnes pratiques et recommandation à suivre lors de la conception d’un produit ou d’un service. Certaines entreprises intègrent ces recommandations à leur processus de conception.

Checklists

variable
• Ne nécessite aucune connaissance environnmentales préalable
• Peut facilement être pris en main
• Outils rapide d'aide à la décision

• Recommandations génériques et non particularisées
• Ne permet pas d'écarter systématiquement d'éventuels effets rebonds

Listes de questions qui ont pour but d’aider le concepteur à appréhender les impacts éventuels de son produit ou service aux différentes étapes de son cycle de vie et de prendre des décisions en conséquence. Certaines entreprises développent leurs propres check-lists en interne. Les plus connus sont la matrice TRIZ, la roue de Brezet ou encore l’eco-design pilot accessible en ligne.

Multi/monocritère : prise en compte ou non de plusieurs critères environnementaux tels que les gaz à effet de serre, l'acidification des sols, l'eau, etc.

Multi/monophase : prise en compte ou non de plusieurs phases du cycle de vie de la solution.

Démarche d’éco-conception par Analyse de Cycle de Vie (ACV)

Mise en pratique de l'éco-conception au sein d'une entreprise



Il existe donc un grand nombre d’outils pour mener des projets d’éco-conception. Les entreprises doivent néanmoins s’approprier ces outils pour aboutir à des solutions pertinentes.

Le pôle éco-conception préconise un déploiement en six étapes :

• Cadrage de la démarche : dimensionner la démarche la plus adaptée à son entreprise

• Évaluation environnementale de la situation de référence

• Recherche des pistes d’éco-conception : trouver des solutions de réductions aux impacts identifiés

• Aide à la décision : hiérarchiser les pistes et identifier la plus favorable

• Évaluation environnementale comparative : comparaison avec la situation de référence pour valider la solution « éco-conçue »

• Communication environnementale



Un certain nombre de normes sont aussi des supports de déploiement de l’éco-conception à un niveau plus global dans les entreprises :

ISO 14006 : Systèmes de management environnemental - Lignes directrices pour intégrer l'éco-conception

ISO 14062 : Management environnemental - Intégration des aspects environnementaux dans la conception et le développement de produit

NF X 30-264 : Management environnemental - Aide à la mise en place d'une démarche d'éco-conception

Ces normes, ainsi qu’une dizaine d’autres normes sectorielles, n’ont pas de vocation de certification. Elles n’imposent pas non plus d’outils en particulier. Elles sont des guides de préconisation pour une mise en place rationnelle et la pérennisation d’une démarche d’éco-conception au sein des entreprises, quels que soient leur taille et leur domaine d’activité.

Il est néanmoins possible d’obtenir la certification Afaq éco-conception délivrée par l’afnor. Celle-ci n’a pas pour but d’évaluer le ou les produits éco-conçus mais la crédibilité de la démarche mise en place au sein de l’entreprise.

L’éco-conception est aujourd’hui un acte volontaire. Certaines briques réglementaires apparaissent peu à peu sur des thématiques ciblés (réparabilité, durabilité) et dans des secteurs précis (électroménager).

L’éco-conception en tant que démarche est mentionnée dans la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC) :
« Les producteurs soumis aux filières pollueur-payeur devront élaborer tous les cinq ans un plan d’action de prévention et d’écoconception de leurs produits. Ceux-ci devront contenir plus de matière recyclée et être davantage recyclables. Ce plan sera révisé tous les cinq ans. Il pourra être individuel ou commun à plusieurs producteurs. Il comportera un bilan du plan précédent et définira des objectifs et des actions de prévention et d’écoconception. Ce seront les producteurs qui élaboreront ces plans et qui les transmettrons à l’éco-organisme. Une synthèse de ces plans sera accessible au public. »

A noter aussi que la loi AGEC rendra également obligatoire l’enseignement de l’éco-conception dans les écoles nationales supérieures d’architectures.



Quelles conditions pour revendiquer un produit comme éco-conçu ?



D’après le Guide pratique des allégations environnementales à l’usage des professionnels et des consommateurs du ministère de l’économie, pour revendiquer qu’un produit est éco-conçu, il est nécessaire d’indiquer :

• Une définition de l’éco-conception (issue de la directive n°2009/125 ou de la norme ISO 14 062 relative à l’éco-conception)

• Des précisions sur ce qui est éco-conçu : le produit, l’emballage ou un composant. À défaut, ce terme vise le produit tel qu’il est commercialisé, c’est à-dire emballage compris

• Les principales caractéristiques environnementales du produit et/ou de son emballage

• La nature et si possible l’ampleur des réductions d’impacts environnementaux résultant de la démarche d’éco-conception (ces informations peuvent figurer sur un autre support approprié, comme un site internet).



En bref



Que permet l’éco-conception :

• Acquérir une connaissance solide de ses produits et procédés

• Identifier certains impacts

• Réduire une partie de ces impacts

• Eviter certains transferts de pollution et certaines fausses bonnes idées

• Intégrer davantage de transparence dans la conception

• Mettre en place un cadre rigoureux d’amélioration continue

• Amorcer un questionnement


Que ne permet pas automatiquement l’éco-conception :

• Une compréhension locale de certains impacts, masqués par des données globales et standardisées

• Aller au-delà de la simple substitution d’un matériau par un autre

• Questionner le « pourquoi » du produit. La notion d’unité fonctionnelle amène à travailler à performance égale ou supérieure sans interroger la nécessité de la performance fixée

• Intégrer l’utilisateur final dans le processus de création

• Appréhender l’objet ou le service au sein d’un périmètre plus large : culturel, sociétal, économique


L'éco-conception et le design ?

L’éco-conception est aujourd’hui un ensemble de méthodes créées par des ingénieurs, pour des ingénieurs. Elle impose une certaine rigueur qui ne laisse pas toujours la place à une grande créativité ni à la prise en compte des usages et usagers. S’il n’est pas absurde d’envisager à terme des outils spécifiquement imaginé pour notre profession, le designer peut néanmoins s’approprier un nombre de ressources et intégrer certains réflexes à sa pratique :

• S’approprier certains outils accessibles (checklists, guidelines)

• Enrichir ces méthodes d’un regard usages et utilisateur

• Favoriser le réemploi

• Apporter des preuves de concept et être force de proposition, montrer que l’on peut souvent faire différemment

• Faire preuve de bon sens



Sources et ressources :



BELLINI Béatrice, JANIN Marc, Écoconception : état de l’art des outils disponibles, Saint-Denis, Editions T.I., coll. « Techniques de l'ingénieur Environnement », 2019.

SOUAN Stéphanie, Economie circulaire en pratique : explorer – concevoir, Mémoire de fin d’étude sous la direction de Cloé Pitiot, Ensci - Les Ateliers, 2014.

MAKESENSE, GOBI, « Le changement par l'objet : éco-conception comment diminuer l'impact des biens de consommation ? », visioconférence, 25/01/2022.

CONSEIL NATIONAL DE LA CONSOMMATION Guide pratique des allégations environnementales à l’usage des professionnels et des consommateurs, Ministère de l'économie, Paris, 2014.


Guide de l’évaluation AFAQ Éco-conception, AFNOR, La Plaine Saint-Denis, 2019.


ISO 14062 - Intégration des aspects environnementaux dans la conception et le développement de produit, AFNOR, La Plaine Saint-Denis, 2013.

NF EN 45552 - Méthode générale pour l'évaluation de la durabilité des produits liés à l'énergie, AFNOR, La Plaine Saint-Denis, 2020.

NF EN 45554 - Méthodes générales pour l'évaluation de la capacité de réparation, réutilisation et amélioration des produits liés à l'énergie, AFNOR, La Plaine Saint-Denis, 2020.

NF EN IEC 62430 - Écoconception (ECO) - Principes, exigences, AFNOR, La Plaine Saint-Denis, 2019.

NF EN ISO 14006 - Lignes directrices pour intégrer l'éco-conception, AFNOR, La Plaine Saint-Denis, 2020.

NF EN ISO 14020 - Étiquettes et déclarations environnementales - Principes généraux, AFNOR, La Plaine Saint-Denis, 2002.

NF EN ISO 14024 - Labels et déclarations environnementaux — Délivrance du label environnemental de type I — Principes et procédures, AFNOR, La Plaine Saint-Denis, 2018.

NF EN ISO 14040 — Analyse du cycle de vie — Principes et cadre, AFNOR, La Plaine Saint-Denis, 2006.

NF EN ISO 14044 — Analyse du cycle de vie — Exigences et lignes directrices, AFNOR, La Plaine Saint-Denis, 2006.

NF EN ISO 14046 — Empreinte eau — Principes, exigences et lignes directrices, AFNOR, La Plaine Saint-Denis, 2016.

NF EN ISO 14067 — Empreinte carbone des produits — Exigences et lignes directrices pour la quantification, AFNOR, La Plaine Saint-Denis, 2018.

NF X30-264 - Aide à la mise en place d'une démarche d'éco-conception, AFNOR, La Plaine Saint-Denis, 2013.